Magazine Le Point Chablais - juin 2020
Née à La Chaux-de-Fonds, Annick Becerra Monnier a sillonné la Suisse et l’Allemagne avant de se poser en Chablais. Esthéticienne de formation, elle a évolué pour devenir commerciale dans l’industrie du luxe et des cosmétiques. Une trajectoire bien éloignée de la création artistique et des préoccupations environnementales, et pourtant, en saisissant la tangente, elle a pris la direction du recyclage de sacs en plastique…
Une femme attentionnée et souriante m’accueille chaleureusement chez elle dans un décor sobre, où le design contemporain côtoie de délicates antiquités. Calme, posée, elle évoque sa carrière dans le monde des affaires avec les yeux malicieux d’une personne qui a su prendre du recul, et s’ouvrir à d’autres possibles. D’abord en explorant son imaginaire, puis en aidant autrui, notamment par le biais de nombreuses activités bénévoles.
« Je ne produis pas pour produire »
Annick Becerra Monnier a répété plusieurs fois cette phrase durant de notre entretien, et ce n’est pas sans raison. En effet, une production intensive s’avérerait en contradiction avec le but ultime de soin activité : recycler les sacs plastiques distribués aux caisses et moins consommer. Tout a commencé lors d’un atelier au centre d’accueil des Marmettes en 2008. Annick, bénévole, aide certains résidents à participer malgré leur handicap. Par hasard, une autre bénévole transportait son matériel de bricolage dans un sac, visiblement, fabriqué maison. Annick Becerra Monier, curieuse, découvre ainsi que les plastiques négligés, souvent abandonnés sur le bord des routes, peuvent, une fois découpés en bandes de vingt-cinq millimètres se métamorphoser en matière première inépuisable et très résistante. Elle expérimente le plaisir de confectionner soi-même un sac à commissions. Rapidement, sa mère et son ostéopathe commentent ladite création et passent commande. De fil en aiguille, Annick se prend au jeu, développe plusieurs modèles : des pochettes pour huiles essentielles, des poches à vélo (pour tout transporter à deux roues ou presque), des sacs à main, des trousses… L’inspiration arrive de toutes parts : les envies ou les besoins personnels, les ouvrages existants d’autres artisans ou de marques comme Freitag. Mais, « me lancer semblait délicat, je ne voulais pas générer du stock et entrer dans une logique commerciale. » Pour rester en accord avec ses valeurs, Annick ne participe plus désormais qu’à des marchés labellisés « artisanaux », en effet, « l’intérêt des visiteurs pour la démarche reste sincère, les discussions enrichissantes. Les promeneurs ne viennent pas juste consommer, ils sont friands d’informations pour évoluer dans leur mode de vie personnelle. » Dans la même veine, pas de prix fixes pour les créations de l’artiste. L’alternative : proposer une fourchette prenant en compte le temps nécessaire à la fabrication, ainsi que son coût. Chacun reste donc libre de discuter et d’attribuer une valeur propre à l’objet désiré.
Participer à la transition et aider les autres
Animée du désir de retrouver un mode de vie plus sain et plus local, Annick Becerra Monnier contemple avec sérénité dix ans d’évolution personnelle vers son objectif : « J’ai troqué ma voiture pour un vélo électrique, je fabrique tout ce que nous mangeons à la maison, je ne prends pas l’avion, j’utilise les médecines alternatives, et je crée aussi bien mes cosmétiques que mes produits de ménage. » Une vie quasi autonome, mais au sein de laquelle autrui tient un rôle crucial. Annick s’engage auprès d’associations tournées notamment vers la cause des femmes, des migrantes. Elle se souvient d’un atelier qu’elle avait organisé pour Éclair : « Nous ne possédions aucune langue commune, certaines ne connaissaient pas le crochet, mais nous sommes parvenues à réaliser des objets grâce à l’entraide, nos échanges et à nos rires. C’était un moment magique. » Dans cet esprit de partage et de transmission des valeurs de la transition, Annick Becerra Monnier propose des accompagnements vers une consommation responsable, à quiconque désire réfléchir à l’évolution de sa situation. Pour cela, elle prend le temps d’évaluer celle-ci, de définir les objectifs de la personne, puis de lui suggérer des actions faciles et rapides à mettre en place. À la suite de la période que nous venons de traverser, les engagements concrets d’Annick Becerra Monnier inspirent et donnent espoir en l’humanité.
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