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  • Photo du rédacteurNatacha de Santignac

Peau de vache

S'il y a une expression qui ne sied pas à Chris Murner, c'est bien celle-ci. Et pourtant, les peaux de vache, elle les adore ! Tombée dans la maroquinerie à l'âge de quinze ans, comme Alice dans le pays des merveilles, elle n'a plus voulu vivre ailleurs. Douceur des peaux, motifs, textures, couleurs, Chris a apprivoisé le cuir, patiemment, jusqu’à en maîtriser toutes ses subtilités. L'affaire est dans le sac ! La sienne. Les nôtres aussi…

Si nos sacs à main et autres pochettes pouvaient parler, nous pourrions toutes frémir. Combien de secrets y sont enfouis, de combien de scènes privées ont-ils été les témoins? J'avoue moi-même éprouver un frisson rien qu'à cette pensée.

Mais avant de devenir notre complice de chaque instant, le sac vit une aventure parfois chahutée, polluée, sereine, ou encore poétique. Chez la styliste genevoise Christiane Murner, c'est bien la veine de la poésie qu'il vous propose de parcourir. Dans son atelier, baptisé avec malice l’Antre-Peaux, dans une atmosphère voluptueuse, en écoutant des vocalises baroques tourbillonnantes, vos yeux se promènent de Caro'Line en Flower Power, de sacs à dos en bandoulières, d'Escarc'elles en Accès'soir...

A pro’peaux

Chris Murner travaille le cuir depuis plus de 30 ans avec passion, désir et bonheur. "C'est l'odeur de la matière qui m'a d'abord séduite lors de la visite scolaire d'un atelier de maroquinerie. J'ai compris tout de suite que j'allais plonger dans cet univers". Quand on sait que les effluves s'adressent directement à notre cerveau reptilien, on comprend que l'appel venait de loin. Coup de foudre, vocation, Chris se lance corps et âme dans l'aventure. Son métier elle l’a appris chez William Gurtner dans un atelier aux réalisations classiques et luxueuses, avant d’ouvrir l’Antre-Peaux en 1987, puis de créer, en 2001, sa propre griffe « chris.murner ». "J'aime jouer avec la coquetterie féminine en toutes circonstances. Un sac se porte comme un bijou. Il se voit, il se montre. Ce qui m'intéresse le plus aujourd'hui, c'est d'explorer les nouveaux cuirs issus des performances techniques et technologiques des tanneurs, par exemple celui de la collection Flower Power, l'idée d'intégrer de la gypsophile et de le vernir ensuite, est juste génial…".

Apprenties sages

Dans son atelier de Carouge, dans une arrière-cour, machines à coudre, pots de colle et pièces de cuir ne demandent qu'à entrer en scène. C'est un lieu de travail certes, mais aussi de formation. Chris Murner est Maître d'apprentissage pour le CFC* de Maroquinerie. Elle n'a eu de cesse de se battre pour que ce métier ne disparaisse pas, car les autorités à Berne voulaient purement et simplement fermer la filiale de la liste des formations : trop peu de candidats ! Deux jeunes s’initient actuellement sous son aile. Elle les encourage, leur donne du fil à retordre comme cet attaché-case d'un autre âge venu se peaufiner pour une grande restauration. La transmission demeure le leitmotiv de Chris, son cheval de bataille : "sans celle-ci, des savoir-faire, voire des métiers meurent. Je ne pouvais pas laisser faire". La styliste anime même des stages de confection de sacs pour qui veut tâter de la matière. Attention, quatre places seulement par session!

Ses enfants, dont les parcours ont suivi d'autres chemins, on finalement été piqués par la passion de Chris. À son insu, elle leur a transmis l’amour du cuir. Aussi en sont-ils tous deux imprégnés. Camille, sa fille, vient de créer à ses côtés, sa première collection de sacs « C.C mère et fille », et son fils Simon, mécanicien de moto Grand Prix, fabrique des selles sur mesure pour ces engins. Des voies qui s’entremêlent… D'ailleurs, une des prochaines collections de Chris, "Motarde", inspirée du thème, dévoilera des matières high-tech évoquant l'univers de la route.

Ex'peaux

Mais la passion cachée de Chris reste la restauration de pièces de musées ou de collections privées. " Connaisseurs et amateurs éclairés me confient des pièces des quatre coins du monde. Je passe des nuits et des dimanches à redonner vie à ces objets d'une autre époque. Cela me détend…".

Pour Chris, être artisan, c'est offrir une part de soi dans son travail. Les clients d'aujourd'hui s’avèrent plus sensibles à la provenance des matières, à l'environnement de la production. Des préoccupations de toujours pour Chris qui n'utilise que du cuir pleine fleur. "Plus on s'éloigne d'Europe, plus la qualité de la matière, de même que celles des conditions de travail, se dégrade. Faire travailler un artisan n'est pas anodin, cela lui permet de continuer son activité, de former la relève et de cultiver sa créativité".

*Certificat fédéral de capacité


Article publié dans le magazine Activ'Mag de septembre 2017



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