De hautes montagnes entourent ma table de travail. Une lumière éclatante jaillit de derrière les sommets, et des gouttes de neige perlent au bout des épines des sapins centenaires. Seule, j’écris avec ardeur une lettre, destinée à qui, je l’ignore. Brusquement je sens en moi un grand désir de partir, j’étouffe, l’immensité m’oppresse. Je me lève rapidement, la tête me tourne, puis je réalise que je suis ancrée à une plateforme entraînée chacun de mes mouvements. Mon corps tout entier se meut à la suite de mon regard, de même que le socle. Ah, mais si je lève les yeux au ciel, je décolle! Pourtant, j’hésite. Je sens que ce support peut m’entraîner bien loin, trop loin ? Le sol frémit sous mes pieds, mes yeux paniquent et tout mon corps se met en branle. Je reprends mon souffle, et fixe mon regard sur Leysin. Me voilà dans les airs. Je survole la vallée d’Illiez, traverse le Rhône, et décide d’aller embrasser mon amoureux. Quelle tête va-t-il faire en me voyant à l’extérieur, par sa fenêtre du quatrième étage ! Mon rythme se ralentit au fur et à mesure que je m’approche, et des picotements me chargent d’électricité. Le bureau de Pascal est vide, zut alors! Je guigne à droite puis à gauche. En fait, tout le bâtiment me semble vide, aucune trace de vie, aucune lumière oubliée, aucun écran d’ordinateur diffusant son faisceau bleu. Je me positionne le plus près possible du bâtiment. Tout à coup, celui-ci m’absorbe, et je me retrouve assise au bureau de Pascal.
Devant moi un faire-part de décès. Imprimé sur un papier Japon fin et délicat au liseré noir intense. Je parcours son contenu plusieurs fois. À chaque lecture, les caractères deviennent de plus en plus gros, le nom imprimé est le mien! La date du 25 août 2018 bat tel un cœur sur le papier. Je cherche frénétiquement un calendrier dans la pièce, un petit carré rouge me confirme que c’est bien la date. Je suis morte et on m’enterre aujourd’hui! Je veux crier, mais aucun son ne franchit mes lèvres, je tape des pieds, mais le bruit et la fureur de mes gestes ne laissent aucune trace sonore. Je me précipite dans le couloir, ma main passe au travers de la poignée, mon corps au travers de la porte. Je retourne dans le bureau, et cherche le faire-part. Où donc pense-t-on disposer de moi? Je ne suis pas morte! Je marche maintenant dans une forêt. J’entends des voix au loin, et aperçois un groupe vêtu de noir se dirigeant vers moi. Pascal est entouré de tous les êtres qui me sont chers, et de ces collègues. Je le reconnais à peine. Je crie son nom, je hurle «Mon Loup, je suis vivante!».
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