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  • Photo du rédacteurNatacha de Santignac

Découverte de la Finlande

Dernière mise à jour : 1 mai 2020


Découvrir la Finlande
Créatures des forêts primaires de Finlande.

26 juillet 2014, Genève aéroport. Les annulations et les retards se succèdent au micro, les salles sont bondées. Un mythe nordique s’effondre : mon avion est affiché avec 45 minutes de retard. Arrivée à Helsinki à minuit ! Il est 17h30, je m’installe, j’observe et j’écoute. Des sons familiers de français, d’anglais ou d’italien, naviguent parmi les eaux troubles d’intonations étranges que je n’arrive pas à connecter. Le voyage a donc déjà commencé même si je suis clouée au sol !


Je m’installe enfin dans l’avion. Finnair est au diapason du design nordique : serviettes de table et gobelets en sont dignes. Entre des rayures vertes, de gros pois gris et de petites fleurs bleues, on me demande de choisir un sandwich au pain noir ou au pain blanc. De ce qui est à l’intérieur, pas un mot. Je découvre avec stupeur, dans le pain noir, une mixture épaisse de 4 cm ayant une consistance de vomi et riche à vous écœurer. Une bouchée suffit, me voilà tétanisée. J’espère que cela n’est pas de mauvais augure pour mon séjour finlandias ! Mon voisin tout de tatouage vêtu ne fait qu’une bouchée du sien. De gustibus et coloribus, non disputandum.


Le lendemain matin 9h30, Helsinki ville désertique traversée de grandes allées et quadrillée de fils électriques me rappelle l’est, pas forcément lointain. A Genève les trolleybus et les lampadaires exigent que les rues soient transformées en échiquier. La place où se trouve le Sénat évoque celle qui accueille encore la tête de Lénine à Oulan-Oude.


Le ciel bleu m’apporte un peu de chaleur. Ma recherche éperdue d’un lieu où je pourrais prendre mon petit déjeuner tourne au fiasco. Je rôde autour du temple, de l’église, le long des quais : rien. Ah si, des chaussures accrochées à un fil, oubliées par un funambule nocturne sans doute ! Il est trop tôt, c’est la seule explication rationnelle que je trouve. Prête à me résigner à déjeuner à l’hôtel, je distingue tout à coup du mouvement près de la grande roue. Il y a de la vie dans cette langueur de vivre ! Mon chauffeur de taxi avait mentionné ce marché hier soir. Tout ce que vous avez toujours voulu trouver sur un marché s’y trouve ! Des baies rouges appétissantes, des cartes artisanales, des objets en métal, des fourrures, des fleurs et de la nourriture ! Des poissons frits, des saucisses, du saumon, encore un coup dur pour mes papilles ! Je me rabats sur des abricots, au diable la protéine ! Au coin d’un étalage, une croisière touristique me fait de l’œil. Pas vraiment mon style mais je suis encore glacée par les rues désertiques, le large me fera du bien. J’embarque avec mes abricots.


L'estomac bien accroché pour le petit-déjeuner, Helsinki, Finlande.


Attention au départ ! Le vent souffle dans les drapeaux finnois et les cheveux des dames, la sirène retentit, le moteur vrombit, nous sommes en route ! Le long des côtes un ferry Viking gigantesque que tout le monde admire et se presse de photographier. Un peu plus loin des îles où se succèdent chaises longues et terrasses. L’atmosphère est douce, les gens font des signes sur notre passage. Cela leur donne-t-il un sentiment d’appartenance ?


Aujourd'hui c'est dimanche et je m'envole pour Kajaani. Près de cette ville, est-ce vraiment une ville, dans un environnement de rêve, un homme autrichien a élu domicile : Sigi Schwarz. En 1997, suite à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, il quitte son pays. Sa femme est finlandaise et ensemble, ils parcourent la Finlande à la recherche du lieu qui pourra accueillir la famille et où son rêve pourra grandir et s’épanouir. Entraîneur de l'équipe autrichienne de ski tout terrain, ce petit-fils de bûcheron nourrit depuis l'enfance une nostalgie pour la vie en pleine nature.


Sigi se souvient avec émotion des sorties en forêt, des explications de son grand-père : cèpes, morilles, feuillage, empreintes, lichens et de sa curiosité insatiable. Un jour, son aïeul lui dit « Bientôt tu iras à l’école et tu apprendras à lire la nature ». Sigi est heureux, l’école commence en septembre. Il ne lui faudra pas plus qu’une journée pour réaliser que ce lieu mystifié ne lui convient pas et la nature ne se lit pas dans les livres.


C’est à Puolanka que la famille pose ses valises. Une vieille école, clin d’œil du destin, lui tend les bras. Il la rénove et en fait une petite auberge qui est un coin de paradis. Il chasse, il pêche, récolte les myrtilles et les champignons, accueille avec générosité et humour des amateurs de vie au grand air, de liberté et d’espaces infinis.


L’été, se sont des randonnées à pied dans la forêt primaire, des sorties en kayak, des balades à vélo. Cinquante nuances de verts vous tendent les bras. Mais attention, les marécages vous guettent. Pour nous le démontrer, Sigi enfonce y doucement un bâton, plus grand que lui, au milieu de coussins de verdure étoilée que l’on voudrait emporter. Il vous explique comment se forment les champignons, qui tels des cerbères au sourire sadique vous observent, et comment le lichen noir peut se développer en Finlande grâce à la pureté de l’air. En hiver, les chiens de traîneaux vous emportent au travers de la neige à la découverte de lacs gelés et de forêts immaculées. Vous observez des empreintes d’élans ou de loups, les aurores boréales vous tendent les bras, vous apprenez à diriger le traîneau, accrochez-vous !


Après le dîner, quand tout est calme, Sigi vous sert un repas que vous n’êtes pas prêts d’oublier ! Des spécialités finlandaises revisitées par ses soins, car pour mettre fin à une scolarité mouvementée, Sigi deviendra cuisinier. Il aime son métier et vous fait partager son plaisir. Beaucoup d’ingrédients sont collectés directement dans la nature par Sigi mais aussi par les visiteurs.

Chaque soir après le repas, Sigi vous raconte des histoires. Comme par exemple celle des Indiens Hopis, peuple proche de la nature qui le fascine mais qu’il refuse d’aller rencontrer sur place dans des réserves aux Etats-Unis : « Il est hors de question que je réponde aux questions du formulaires ESTA, cela ne regarde personne ». Notre hôte a, certes, eu une vie antérieure tumultueuse.



Des branches de bouleau pour fouetter le sang, Finlande.

Le programme du lendemain est détaillé, enfin le mot magique, le seul mot finnois qui soit devenu international, est prononcé : sauna ! Demain nous ferons l’expérience de l’art de vivre à la finlandaise et c’est tout un protocole. « D’abord construit ton sauna, ensuite ta maison », ce proverbe donne le ton, le sauna est fondamental, il est sacré. Jusqu’il y a peu, les enfants y naissaient et les morts y recevaient leur dernier bain.


Si vous voulez vivre l’expérience dans sa totalité, il faut d’abord se mettre nu. Avant de pénétrer dans la fournaise, il vous faut prendre une douche symbolique puis la porte s’ouvre et vous vous sentez envahis par un nuage de chaleur et de bien-être. Les planches sont très chaudes, attention à bien mettre une serviette sous vos fesses !


Après une quinzaine de minutes, vous prenez votre courage à 18 mains et vous allez vous plonger dans le lac, que l’eau soit à 18, 12 ou 3 degrés. Si elle est clémente vous sentirez l’eau perler sur votre corps et quand votre tête sera sous l’eau vous vivrez une plénitude que je n’avais jamais atteinte. Quand elle vous fait peur car elle est froide mais que l’appel de l’inconnu est plus fort que tout, Sigi doit d’abord creuser la glace pour créer un passage. La sensation cette fois est plutôt revigorante, vivifiante. Dans les deux cas, vous vous êtes purifiés et votre système immunitaire est renforcé ! J’allais oublier : n’hésitez pas à faire circuler votre sang en vous fouettant avec les branches de bouleau mises à disposition. Elles sont douces et vous caressent, votre peau devient soyeuse.


Sigi nous a prévenus, la forêt primaire est moribonde. Apparemment, les scientifiques sont ravis car ils vont pouvoir observer comment se déroule la mort naturelle d’une forêt et ce qui se passe après. Les scientifiques sont décidément de curieux personnages. L’atmosphère de la forêt est confiné et lourd, il fait sombre et nous devons respecter scrupuleusement le chemin tracé, sans toucher quoique que ce soit. Beaucoup d’arbres en décomposition, un vrai royaume pour les champignons qui pullulent. Certains ressembleraient à des créatures de films d’horreur s’ils venaient à s’animer. Les moustiques aussi sont bien toujours présents malgré tous mes efforts pour les éloigner.


Ce matin ce sont des herbes aussi hautes que nous qui nous accueillent sur le chemin de l’église du diable. Y accéder ne pouvait pas être simple ; le diable, ça se mérite ! Le terrain glissant est jonché de rochers en équilibre instable recouvert de mousse épaisse et soyeuse. Le tout en pentes ! Qui a dit que la Finlande était plate ? Je glisse ! Heureusement un arbre arrête ma chute, le Diable décide que ce n’est pas mon heure et que ce serait dommage que je ne vois pas son église ! Merci Diable ! Ton église est bien belle en effet. Elle s’appelle ainsi car la gorge peut tout à coup se remplir d’eau et surprendre les créatures qui s’y trouveraient. En route pour l’église, Sigi avait laissé son sac au bord d’un pont. Au retour il est toujours là. Le Diable a veillé sur notre déjeuné, peut-être n’aime-t-il pas la truite saumonée ?


Lors de nos promenades nous ne rencontrons personne, absolument aucune âme qui vive et pourtant, les parcours sont jalonnés de « refuges » où l’on peut préparer à manger (un foyer, des ustensiles, du bois à disposition), aller aux toilettes et même dormir. Il y a un grand respect et un sens civique hors du commun.


L'enfer du saumon, Finlande.

Je ne sais pas si c’est la main du diable qui nous a envoyé cet orage mais je lui dis merci. Moi qui aime les déchaînements de la nature, j’ai été servie ! Des rafales de vent à coucher les grands épicéas, des trombes d’eau, des éclairs tout, tout près et 8 heures de coupure d’électricité ! Les chiens ont accompagné ce déluge de plaintes déchirantes. La fin des hostilités est annoncée par le retour du soleil de la nuit, il est 22 heures.


Le lendemain, sur la petite rivière, mon kayak glisse. Le silence est d’or, l’atmosphère calme, la forêt tranquille. Une certaine langueur m’envahit, je suis transportée hors du temps dans un autre espace. Naturellement, c’est aux Indiens d’Amérique du Nord que je pense. Les Indiens Hopis me reviennent en mémoire. Je m’imagine dans leur monde vivant en harmonie avec la nature. Le silence règne en maître, comme il est reposant de n’avoir aucune sollicitation parasite externe.IMG_0393


Tout à coup au détour d’une courbe, il apparaît devant nous, grandiose, magnifique : le lac Uva. Il est immense, tapissé d’une lumière bleu gris avec des touches de roses sur les bancs de sable où nos kayaks s’arrêtent. Sigi se déshabille entièrement et plonge. Nous faisons tous de même, comme il est bon de nager librement dans cette eau à peine chaude !


La fin de mon séjour est annoncée. Demain je repars les sens vivifiés et en éveil, de la beauté à perte de vue, des histoires à raconter, des moments de partage à chérir.

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