Les cinéphiles, tout autant que les gourmets, se souviennent sans doute du film de Gabriel Axel, sorti en 1987: Le Festin de Babette. Y sont décrits, d’abord, toute l’attention portée au choix des produits, le soin de leur préparation, la joie de la cuisinière, ensuite, le plaisir de la dégustation, puis celui du partage, et enfin, comment ce repas à la française réchauffe les cœurs danois austères, voire les âmes glaciales des convives, aux rapports pour le moins tendus.
Rassurez-vous, nul besoin d’être en froid avec quiconque, ni espérer amadouer des récalcitrants pour découvrir Le Rawyl, bien que si tel était le cas, vous parviendriez à vos fins en deux temps, trois cuillerées! Situé à Randogne, le restaurant accueillant du jeune chef Bert de Rycker, venu de Belgique, découverte romande 2019 du Gault et Millau, vous transportera dans une autre dimension culinaire, que j’ose nommer le paradis.
Estimez-vous chanceux, car vous bénéficierez de l’intégralité de son savoir-faire acquis minutieusement, au cours d’années de labeur comme « tournant » dans des restaurants toutes catégories confondues: «Il est plus facile de commencer par le haut, entendez restaurant haut de gamme, puis de descendre. Un jour, on trouve sa place. Être tournant m’a permis de toucher à tout, et de pouvoir évoluer. Un bon cuisinier doit tout connaître.» confie-t-il.
Le paradis, disais-je… Aucun autre mot ne saurait décrire la joie, la surprise, le plaisir envahissant tour à tour les pupilles, chaque suite étant présentée avec goût dans des plats de céramiques évoquant un voyage interstellaire, le nez, la bouche, et enfin le cœur à chaque nouvelle découverte. Les noms des produits, d’une qualité exceptionnelle, invitent déjà au voyage: truffe noire du Périgord, chair de crabe «pattes bleues», pigeon d’Anjou, moutarde de Severy, caviar Osciètre, skrei. Pourtant d’autres, plus courants: cardons, œuf bio, endives ou salsifis méritent tout autant votre bienveillance, et si par mégarde, vous omettiez d’y prêter attention, vous ne manqueriez pas d’être rattrapé par votre écart.
Pour créer la recette des salsifis, plat signature du Rawyl, Bert de Rycker a revêtu les habits de Merlin l’Enchanteur. Infusés dans du lait, puis enveloppés de crème au parmesan, avant d’être drapés de safran en fin de cuisson, ils provoquent grâce à leurs saveurs des sensations dépassant l’entendement. Une onde de frissons de la tête aux pieds à chaque bouchée, une évocation de l’enfance profonde et magnifique, un bonheur indicible, une paix que l’on voudrait perpétuelle.
Bert de Rycker ne crée pas pour l’éternité, et sa carte change toutes les trois ou quatre semaines: «Je la questionne en permanence. Bien sûr en fonction des saisons, mais aussi des envies, des idées. J’aime explorer et recevoir le retour immédiat du client, ce que permet le menu signature, composé de huit suites.» La période de la chasse le ravit: «Tout est possible avec la chasse. On mélange le sucré avec le salé, on dispose de viandes très différentes, et je peux exprimer toute ma créativité.»
De passage dans la région, ou sédentarisé depuis des générations: faire l’impasse sur Le Rawyl pourrait bien vous mener droit aux enfers!
www.le-rawyl.ch
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